Groupe d'Étude du Bodhicharyāvatāra
བྱང་ཆུབ་སེམས་པའི་སྤྱོད་པ་ལ་འཇུག་པ།།
avec le Vén. Lama Guélong Sangyay Tèndzin
2ème Session
21 Novembre 2020
Bonjour,
Je fais le souhait que cette réunion profite à chacun de nous ainsi qu'à tous les êtres sensibles.
Pour que cela soit plus que de simples mots, il est essentiel de s'en tenir à l'éthique du Dharma sacré, prospérant ainsi continuellement pour maintenir et développer un véritable état d'esprit et attitude au bénéfice de tous les êtres pris dans l'océan de la souffrance.
Cela doit devenir un effort constant et l'objectif de notre pratique du Dharma.
Ainsi, non seulement nous manifesterons un océan de mérite, mais aussi, nous pouvons être certains d'adopter la motivation de l'océan des grands Bodhisattvas et recevoir leur soutien et bénédictions. Ce n'est qu'alors que nous pourrons avoir la certitude de recevoir cet enseignement.
Avant-propos:
L'ensemble du texte s'articule autour du fameux quatrain mahayaniste:
Puisse la Bodhicitta, précieuse et sublime,
Naître chez ceux qui ne l’ont pas engendrée,
Et là où elle est née, puisse-t-elle ne jamais décliner,
Mais continuer à s’accroître toujours davantage !
Ainsi, les dix chapitres du Traité sont présentés en quatre parties:
1. Les trois premiers chapitres traitent de la génération de la Bodhicitta (chez ceux qui ne l'ont pas engendendrée);
2. Les trois chapitres suivants traitent du maintien de la Bodhicitta (afin d''empêcher qu'elle s'affablisse une fois engendrée);
3. Les trois chapitres suivants traitent de l'accroissement de la Bodhicitta qui a été stabilisée;
4. Le dernier chapitre de conclusion est la dédicace du mérite qui en résulte pour le bien des autres.
Explication du Titre
Ce n'est pas une perte de temps que d'approfondir la compréhension du titre complet donné par Shantidéva,
Bien que je n'entrerai pas ici dans des explications détaillées -que vous trouverez dans les commentaires précités-, je vais néanmoins apporter une compréhension de base mais suffisante de la signification de ce titre donné par Shantideva.
«Bodhisattva caryâ avatâra», le titre complet en sanskrit, a été traduit au mieux en tibétain, par །བྱང་ཆུབ་སེམས་པའི་སྤྱོད་པ་ལ་འཇུག་པ། [jang-chub sem-pa'i chöd-pa-la jug-pa].
Cela peut se traduire en français par «Engagement dans les activités des Bodhisattvas».
N'oubliez pas que les langues actuelles ne possèdent pas le vocabulaire spécifique pour désigner des concepts spirituels qui n'existent pas dans le monde moderne. Par conséquent, je vous invite à prendre la peine d'acquérir une compréhension personnelle des terminologies de base utilisées en sanskrit et / ou en tibétain.
།བྱང་ཆུབ། - Bodhi – Eveil
།བྱང། - Pureté; indique que l'Eveil implique la purification de tout ce qui doit être rejeté, à savoir: les deux voiles et leurs tendances habituelles.
Que sont ces deux voiles? Les obscurcissements émotionnels et les obscurcissements cognitionnels.
།ཆུབ། - Accomplissement; indique que l'Eveil implique également l'assimilation de tout ce qui doit être réalisé, à savoir: les qualités de la sagesse primordiale.
།སེམས་པ། - Sattva – Héros; indique que ceux qui s'efforcent d'atteindre un tel objectif sont vraiment courageux et ne craignent pas les actions difficiles à réaliser, et à cet égard sont dénommés "êtres héroïques". Comme mentionné dans le Sutralankara: «Les Bodhisattvas ne sont pas inquiétés par la douleur, les mauvais amis ou le fait d'entendre les enseignements profonds ».
།་སྤྱོད་པ། Activités, à propos de ce terme, le grand Maître Longchenpa a dit:
«Les descendants du Bouddha doivent être formés à tout, en particulier aux six Perfections transcendantes. Chaque activité de Bodhisattva est incluse dans les six Perfections transcendantes».
།འཇུག་པ། Entrée, engagement; le texte est lui-même une "entrée" parfaite et sans erreur vers de telles activités.
Il est adapté aux débutants et fournit une présentation claire des moyens et méthodes par lesquelles la conduite des Bodhisattvas doit être pratiquée.
Le titre reflète pleinement le sujet du traité d'une manière qui peut être comprise par les trois types d'étudiants:
- Il permet à une personne de capacité supérieure, rien qu'en le voyant, d'avoir une compréhension de l'ensemble du message convoyé du texte.
- Il permet à une personne de capacité modérée de comprendre la teneur générale.
- Il permet à une personne aux capacités modestes de trouver facilement le volume, tout comme l'étiquette sur le flacon permet d'identifier un médicament.
On pourrait se demander pourquoi les titres sont donnés en sanskrit. Il y a plusieurs raisons à prendre en considération:
- Premièrement, l'Inde étant la source pure du Dharma, le titre sanscrit inspire au lecteur la confiance dans la parfaite authenticité du texte.
- Deuxièmement, tous les Bouddhas des trois temps ont exposé leur doctrine en sanskrit, langage divin et bien structuré. Par conséquent, si nous-mêmes prononçons et expliquons le titre dans cette langue, l'énonciation elle-même véhiculera les bénédictions dans nos esprits.
- Troisièmement, puisque dans les ères à venir, le Dharma sera à nouveau enseigné en sanskrit, cela nous confère une prédisposition pour ceci.
- Enfin, étant donné que les titres de tous les textes sont, comme celui-ci, en sanskrit, lorsqu'on a mis en valeur la difficulté de les prononcer, sans parler d'en comprendre et expliquer le contenu, nous sommes inspirés par la gratitude envers les traducteurs qui nous ont permis d'accéder à ces enseignements.
Lors de notre dernière rencontre, le temps était compté et je n'ai pas eu l'occasion de passer en revue ce que nous avions abordé; laissez-moi vous le rappeler très brièvement:
Nous avons appris que le thème principal du Bodhicaryâvatâra concerne le cœur des enseignements du Mahayana; qui est de générer une Bodhicitta stable. En tant que tel, cela fait partie de la Philosophie de Madhyamaka exposée par Nagarjuna.
Pour ceux qui souhaitent approfondir leurs connaissances, j'ai fait référence à trois commentaires disponibles en langues occidentales.
Nous avons ensuite fait une brève présentation de l'auteur suivie d'une synthèse du texte et d'un aperçu du Bodhicaryâvatâra.
Pour cette deuxième session, nous nous engageons dans l'étude du texte et aujourd'hui nous verrons les quatre premières strophes.
Rappelez-vous que, comme nous l'avons compris lors de la première session, le Bodhicaryâvatâra est composé de quatre parties.
Nous commençons maintenant la première partie.
Première partie:
Génération de la Bodhicitta là où elle n'a pas été générée auparavant
Cette première partie contient trois chapitres:
- Chapitre 1: Bienfaits de la Bodhicitta
- Chapitre 2: Admettre ouvertement les actes négatifs antérieurs
- Chapitre 3: Comprendre l'objectif de la Bodhicitta
Chapitre 1: Les bienfaits de la Bodhicitta
Ce chapitre contient 36 strophes, qui vont maintenant être expliquées en détails.
Strophe 1
«Respectueusement, je me prosterne devant les Ainsi-Allés dans la béatitude du Dharmakaya,
ainsi que leur descendants et à tous ceux dignes d'être vénérés.
Laissez-moi vous expliquer comment s'engager dans la conduite des descendants des Ainsi-Allés,
ce que j’ai compilé et condensé en accord avec les paroles des Bouddhas».
L1. «Respectueusement, je me prosterne devant les Ainsi-Allés dans la béatitude du Dharmakaya»
Lors de la réalisation de la bouddhéité, l'éveil se manifeste à trois niveaux, qui sont connu comme les Trois Corps du Bouddha: le Corps Absolu ou de Vérité - le Dharmakaya; le Corps de Jouissance - le Sambhogakaya; et le Corps d'Emanation Compassionné – le Nirmanakaya.
Comme mentionné dans l'Uttaratantra-shastra, le Dharmakaya doit être considéré à deux niveaux:
- Le Dharmadhatu totalement immaculé; et,
- Les causes correspondantes: l'enseignement dans ses aspects à la fois profond et vaste.
En d'autres termes, il y a le «Corps du Dharma», qui est la réalisation des dix pouvoirs d'un Bouddha, et il y a la cause de cette réalisation, la cause en accord avec ceci, à savoir, le «corps du Dharma» qui est le Dharma profond et vaste de transmission en toutes ses catégories.
L2. «ainsi que leur descendants et à tous ceux dignes d'être vénérés»
«Les descendants de Bouddha» fait référence au Joyau suprême de la Sangha.
Généralement, on considère que l’enfant du corps du Bouddha était son fils Rahula. Les descendants de sa parole sont les Shravakas et Pratyekabuddhas. Les descendants de son esprit sont les Bodhisattvas.
Ainsi, la progéniture suprême de l'esprit du Bouddha consiste en les détenteurs de la Lignée des Victorieux. Dotés du trésor de l'enseignement sublime, ils protègent et veillent sur l'ensemble des êtres qui doivent encore être formés. Les Bodhisattvas sont la Sangha du Mahayana.
Devant ces Trois Joyaux - et non seulement eux, mais aussi aux Shravakas et Pratyekabuddhas, et en fait à toute personne supérieure à lui-même, que ce soit même pour une seule qualité (telle qu'une légère ancienneté dans la formation) ou tout bienfaiteur - devant tous ceux qui sont ainsi dignes de vénération, tous sans exception, l'auteur s'incline, rendant hommage avec corps, parole et esprit.
Comme l'a dit Nagarjuna,
«L'auteur d'un traité qui rend hommage au Bouddha ne peut manquer de réussir, car il stimule la foi et l'intérêt à la fois envers le Bouddha et le texte lui-même ».
L3. «Laissez-moi vous expliquer comment s'engager dans la conduite des descendants des Ainsi-Allés»
Les êtres suprêmes n'abandonnent jamais leurs promesses.
Ainsi, la promesse de Shantideva de composer le texte a pour but d’assurer l'achèvement de son oeuvre.
Comme il est dit dans la Prajnadanda de Nagarjuna:
«Les êtres saints ne promettent pas beaucoup de choses,
Mais s'ils s'engagent à accomplir une tâche exigeante,
C'est comme s'ils gravaient une image sur une pierre:
Ils ne s'en détournent pas même si cela peut leur coûter la vie ».
L4. «Ce que j'ai compilé et condensé en accord avec les paroles des Bouddhas.»
Et il le fera «en accord avec les Écritures» afin que nous puissions avoir confiance en cela.
Car il est dit dans Dharmakirti dans le Pramanavarttika, son Commentaire sur Cognition Valide:
«Nous pouvons faire confiance aux enseignements de Bouddha,
Car puisqu'il est exempt de faute,
Il n'y a en lui aucune raison de mentir.
Sachez donc que les Écritures sont exemptes d'erreur ».
Strophe 2
«Je n'ai rien à dire ici qui n'ait été dit auparavant,
Et je n'ai aucune compétence dans la composition de vers;
Pourtant, même si je n'ai même pas la pensée d'aider les autres,
J'ai composé ceci pour familiariser mon esprit. »
L1. «Je n'ai rien à dire ici qui n'ait été dit auparavant,»
En ce qui concerne l'art de la composition, Shantideva fait preuve de la plus grande humilité.
L2. «Et je n'ai aucune compétence dans la composition de vers;»
Il dit qu'en ce qui concerne l'art de la prosodie, il n'a aucune compétence littéraire qui pourrait le distinguer des autres.
Pour cette raison, Shantidéva dit qu'en composant le Bodhicaryâvatâra, il ne prétend être d'une grande aide pour les autres. En disant cela, il se défait de toute fierté intellectuelle concernant la forme et le sens de ses paroles.
Comme l'a observé le grand maître Vibhutichandra:
«Dans le cadre de la doctrine de Bouddha,
Beaucoup sont apparus qui étaient de grands maîtres, des êtres puissants.
Mais quelqu'un comparable à Shantideva,
Dans la sagesse et l'expérience, ne se trouve nulle part».
Pour apprécier cette référence, il faut savoir que Panchen Vibhutichandra donna ces enseignements à de nombreux grands maîtres du Tibet, y compris le tantra, des initiations, explications et instructions. En particulier, il conféra les Six Yogas de la tradition Kalachakra, connus comme la Pratique des Six Membres du Vajra Yoga, qu'il reçut de la Lignée ainsi que dans une vision directe de Shavaripa.
Figure proéminente des premiers de la Lignée de transmission du Mahamudra, -voyez votre texte du Guru Yoga dans le Ngöndro-, rappelons-nous que Shavaripa était l'un des 84 Mahasiddhas indiens, l'un des ancêtres de la Lignée Kagyüd.
L3. «Pourtant, même si je n'ai même pas la pensée d'aider les autres»
Shantideva se défait de toute fierté intellectuelle en ce qui concerne non seulement la forme mais aussi le sens de ses paroles.
L4. «J'ai composé ceci pour familiariser mon esprit»
Pourquoi alors s'engager dans cette composition? Shantideva dit qu'il a composé son œuvre pour méditer sur et s'habituer à la conduite des Bodhisattvas, consistant en la motivation de Bodhicitta et la pratique des six Paramitas.
Comme l'a dit le maître Chandragomin:
«Par conséquent, en rapport aux trois niveaux d'art des érudits, il peut y avoir une certaine incertitude dans discours et débat, mais il n’y a pas de place pour cela dans le commentaire».
Pourquoi est-il bon d'adopter une attitude humble?
Il est dit que «Sur le sommet de l'orgueil, l'eau des bonnes qualités ne reste pas».
Quand l'esprit est gonflé de vanité, il ne peut contenir l'eau des excellentes qualités du Dharma de transmission et de réalisation. Il est plutôt susceptible d'être trompé par Mara. Ainsi, si dans cet état on compose des traités, ils ne bénéficieront par autrui.
Strophe 3
«Car, en me familiarisant avec ce qui est vertueux,
La force de ma foi augmentera pour quelque temps, même juste à travers ces mots.
Et si d'autres, aussi fortunés que moi, en viennent à les voir,
Peut-être pourraient-ils eux aussi les trouver profitables.»
.
L1. «Car, en me familiarisant avec ce qui est vertueux»
En disant cela, Shantideva suscite une attitude joyeuse et enthousiaste à son égard.
L2. «La force de ma croyance augmentera pendant quelque temps, même juste à travers ces mots»
Par de tels moyens, la force de sa foi །དད་པ། dans les activités des Bodhisattvas s'intensifiera quelque peu, afin qu'il puisse méditer et cultiver la vertu.
།ཡིད་ཆེས་ཀྱི་དད་པ། - foi confiante;
།དང་བའི་དད་པ། - foi vive; et,
།འདོད་པའི་དད་པ། - foi d'aspiration.
C'est en effet par la méditation et la cultivation continues que la Bodhicitta est intensifiée.
L3. «Et si d'autres, aussi fortunés que moi, en viennent à les voir»
En toute humilité à nouveau, il dit que d'autres, ayant une fortune karmique égale à la sienne, -i.e. qui sont sincères et s'intéressent aux activités de Bodhisattva-, qui auraient la chance de tomber sur son Bodhicaryâvatâra-, pourraient eux aussi se réjouir des voies des Bodhisattvas et être heureux de s'y engager. Il suscite ainsi une attitude enthousiaste à l'égard d'autrui, se disant que son travail pourrait avoir une certaine valeur pour eux.
L4. «Peut-être pourraient-ils eux aussi les trouver profitables.»
Shantideva donne ainsi l'exemple et invite les autres à le suivre.
Strophe 4
«Ayant acquis des libertés et les ressources si difficiles à trouver,
Qui peuvent répondre aux souhaits de chaque être,
Si, dans cette vie, je n'en tire pas réellement profit,
Quand pourrais-je à nouveau retrouver ces ressources parfaites? »
L1. Ayant acquis des libertés et les ressources si difficiles à trouver»
Tel qu'enseigné dans le Ngöndro du Mahamudra, plus précisément dans le །བློ་ལྡོག་རྣམ་བཞི། - les quatre inverseurs de l'esprit le premier sujet est ce précieux corps humain doté de huit libertés et dix ressources si difficiles à obtenir.
Être en enfer, être un préta ou un animal, être un dieu de longue vie ou un barbare sauvage; avoir des vues erronées, vivre à une époque où aucun Bouddha ne s'est manifesté; avoir des facultés affaiblies – ce sont les huit absences de liberté.
Comme nous nous sommes tous engagés dans ces pratiques -ou le ferons prochainement-, puisqu'elles sont à la base de la Chemin Vajrayana, il ne me semble pas nécessaire de fournir d'autres commentaires pour le moment.
L2. «Qui peut répondre aux souhaits de chaque être»
Une fois que nous avons obtenu le Refuge, nous pouvons atteindre l'état de Bouddha et accomplir le souhait de bonheur durable à travers l'écoute, l'étude et la pratique du sacré Bouddha-Dharma.
L3. «Si, dans cette vie, je n'actualise pas ces avantages,
L4. Quand viendra la prochaine opportunité d'obtenir de parfaites ressources?»
Ceci est un rappel des lois de l'impermanence et de la causalité.
Ce sera tout pour aujourd'hui; reposons notre esprit quelques instants dédions notre séance au profit de tous.

