Session 7

Groupe d'Étude du Bodhicharyāvatāra

བྱང་ཆུབ་སེམས་པའི་སྤྱོད་པ་ལ་འཇུག་པ།།

Conduit par le Vénérable Lama Gelong Sangyay Tendzin

SESSION 7 - Q&A - 1

30 janvier 2021

 

 

Refuge & Bodhicitta

Prière à Sept Branches 

Offrande du Mandala de l’Univers

Requête d’Enseignements

 

Bonjour,

Cette session est la continuation des Q&R se rapportant au Chapitre I du Bodhicaryâvatâra commencé lors de notre dernière rencontre. Avant de poursuivre, je souhaite revenir sur une question que nous n’avons pu aborder que fort sommairement lors de la dernière séance.

 

QUESTION : Qui est Atisha ?

RÉPONSE :

Né en Inde en 982. Initié très tôt, il devint adepte de l'ésotérisme et des pratiques du Tantra, très populaires en Inde à son époque. Malgré qu’il en obtînt aisément les siddhis, il prit la décision d’y renoncer, souhaitant plutôt développer la compassion et l'altruisme. À l'âge de trente ans, il prit des vœux bouddhistes et, s’engagea à étudier avec le maître de renom, Dharmakirti (Tib. Serlingpa), fort réputé pour sa grande compassion. Il se rendit donc en son lieu de résidence au Suvarnadvipa, aujourd'hui Sumatra.

Accepté par ce grand maître Il y demeura douze ans, apprenant, entre autres, la pratique de « So-jong » ou l'Entrainement de l'Esprit. La grande dévotion qu’avait Atisha envers son maître était telle qu'il était incapable d'entendre prononcer son nom sans fondre en larmes sur le champ.

De retour en Inde, Atisha enseigna pendant quinze ans dans différents monastères. De ce fait il acquit un très grand renom et reconnu comme un maître d’exception inégalé tant par son érudition que par sa réalisation. 

A cette époque de son histoire, le Tibet sortait de la triste période de persécution du bouddhisme par le roi Langdarma et souffrait un grand manque d’enseignements authentiques. Maintes fois, Lord Atisha fut invité à s’y rendre, mais refusa de ce faire.

Quelques années plus tard, alors qu'il exerçait la fonction de maître de discipline au monastère de Vikramashila, il contribua à l'expulsion d'un moine pour alcoolisme lors d'une cérémonie tantrique. La déesse Tara, son Yidam, lui apparut alors en rêve et lui dit qu'il était responsable de l'expulsion d'un sincère pratiquant, et que pour contrer ce karma négatif, il devrait aller au Tibet et y enseigner.

À l'invitation suivante, il accepta sans toutefois recevoir l’approbation de l’Abbé de la congrégation monastique dont il faisait partie à Vikramashila. En effet, son prestige en Inde était très grand et le monastère risquerait d’en souffrir. Après moultes discussions, il fut autorisé à partir pour le Tibet à condition qu'il en revienne après trois ans. 

Cependant, sa présence et ses enseignements au Tibet furent si nécessaires qu'il ne revint jamais et y décéda douze ans plus tard.

 

QUESTION : Qu'est-ce qu'un Chakravartin?

RÉPONSE :

Un Roi Chakravarti est un roi qui gouverne les quatre grands continents (Pubbavideha, Jambudipa, Aparagoyana, Uttarakuru). Le roi acquiert les continents dans la paix. Puisqu'il est vertueux, sept trésors miraculeux apparaissent, dont une grande roue qui tourne dans le ciel.

Le roi et son armée peuvent voyager n'importe où grâce à cette roue. Il voyage à travers le monde et enseigne à tous les rois comment gouverner en paix. S'il le souhaite, il peut voyager dans les royaumes célestes inférieurs grâce au pouvoir de cette précieuse roue.

Un roi Chakravarti n'apparaît que lorsque les humains sont vertueux et vivent longtemps. Les contes de Jataka, appartenant au Canon Pali, décrivent les rois bouddhistes Chakravartins.

 

QUESTION : Qui sont Indra et Brahma ?

RÉPONSE :

Brahma est le dieu suprême du « Rupadhatu », le Monde de la Forme. La félicité d’un tel dieu se manifeste alors que le méditant atteint le premier des quatre Dhyani ou niveau de concentration méditative.

Dans les religions indiennes, basées sur le principe de l’ « Atman », Brahma est la personnification sous forme d’icône visible du principe universel impersonnel appelé "Brahman", que nous identifierions au principe cosmique.

Indra quant à lui, est le dieu le plus haut du Karmadhatu, le « Monde du Désir ». 

Résidant au sommet du mont Sumeru, dans le royaume céleste des 33, il règne sur les Devas du Karmadhatu. 

Renaître dans les royaumes divins résulte d’une très grande accumulation de mérite et constitue un des karmas supérieurs. Les devas ou devis ne sont cependant pas libérés du samsasra, et devront prendre renaissance pour pouvoir atteindre l’éveil. 

 

QUESTION : Quelles sont les cinq sciences enseignées au monastère de Nalanda?

RÉPONSE :

Les cinq sciences majeures enseignées à l'Université de Nalanda (appelées les Cinq Principales) sont :

  • La Grammaire, comprenant la théorie de la traduction et l'étymologie.

La langue tibétaine classique reste une riche source de vocabulaire soigneusement compilé exprimant la signification du Bouddhadharma. Traditionnellement, on commence l’étude de la langue tibétaine à l’aide de traités grammaticaux anciens tels que "Les Trente Versets" et "L'Utilisation des Signes de Genre" rédigés par l'érudit Thonmi Sambhota. 

Une connaissance exacte de la grammaire permet la construction de phrases dont la compréhension correcte repose sur l’agencement précis des mots qui servent à transmettre les enseignements du Bouddhadharma. 

  • la Logique, basée sur les écrits de Dinaga et Dharmakirti 

est essentielle dans la compréhension de principes complexes par l’analyse et le raisonnement.

  • les Arts bouddhistes, tels que fresques, thangkas, sculptures, architectures

serviront à la transmission d’éléments non-rationnels tels que la dévotion, la vénération, les aspects sacrés etc.

  • la Médecine et le Bien-être, tels que la connaissance des Nyepas, des pouls, des traitements

et toutes les connaissances issues des traités médicaux apportés au Tibet par l'Abbé Shantarakshita. Cela inclut également la géomancie tibétaine, l'ancienne science de la santé et du bien-être.

  • La philosophie est largement enseignée dans toutes les différentes écoles. 

Celle que nous suivons est l'école Madhyamaka de la tradition Nalanda.

Par ailleurs, les étudiants étaient également instruits dans les "Cinq Sciences Mineures" appelées "sciences ordinaires". Les Bodhisattvas sont formés à ces cinq sciences ordinaires afin qu'ils puissent se perfectionner et atteindre une cognition immaculée et parfaire leur accumulation de sagesse primordiale. (ཡེ་ ཤེས་ ཀྱི་ ཚོགས.)

Les Cinq Sciences Ordinaires sont

  • l'Astrologie
  • la Poésie
  • la Prosodie (les modèles de rythme et de son utilisés dans la poésie)
  • la Lexicographie (compilation de dictionnaires, étude des synonymes)
  • la Composition dramatique

 

QUESTION : En référence à la Bodhicitta d'aspiration: comment pouvons-nous être sûrs que nous sommes emplis de Bodhicitta?

RÉPONSE :

La Bodhicitta d'aspiration doit se pratiquer. Comment faire cela? En lisant les grands Monlam ou "aspirations" des grands Bodhisattvas du passé, tels que ceux que nous avons lus avec Sa Sainteté Karmapa la semaine dernière. Monlam est l'un des aspects de Paramita, il se pratique donc régulièrement jusqu'à ce que vous atteigniez la réalisation de ces aspirations, ce qui s'appelle la Bouddhéité.

 

QUESTION : N'y a-t-il pas un indicateur nous permettant de savoir que nous sommes en harmonie avec notre nature de Bouddha ?

RÉPONSE :

La réponse est… quand cette question ne se pose plus. Quand l'esprit est en paix et cela ne peut être que lorsqu'il est inséparable de tout et de tous. Quand "Khor-sum tong-pa" est réalisé et permanent. Il y a aussi un état de félicité constante. Le bonheur inséparable de la vacuité. Aucune envie.

 

QUESTION: À propos de la strophe 15: Qu'entend-on par "insight"?

RÉPONSE: 

La « vision pénétrante" est l'un des deux aspects de la méditation du Mahamudra, appelé Lhag-Tong en tibétain et est plus connu en Occident par la terminologie sanskrite vipaśhyanā ou vipassanā en pali.

Toutes les pratiques de méditation du bouddhisme peuvent être classées comme suit : 

བཞི་ གནས - Zhinay - Samatha, "calme mental" et,

ལྷག་ མཐོང་ - Lhag-Tong - "vision pénétrante" 

A tel point que tous les niveaux de bouddhisme contiennent ces deux types de pratique.

Il s'agit d'acquérir et de stabiliser la "vision pénétrante" qui se manifeste naturellement alors que l'on atteint le plus haut niveau de samatha. La caractéristique essentielle du "calme mental" est que l'esprit est apaisé et mis au repos. Ce faisant, l'esprit devient capable de demeurer concentré en un point. Il s’agit d’acquérir un état absolu de non-distraction. Ceci vent davantage de la pratique réguliére et paisible que d’une pratique forcée.

Dans les Sūtras, le Bouddha dit que cette pratique doit précéder la pratique de la "vision pénétrante" car l'apaisement de l'esprit permet à la faculté de vision pénétrante de se concentrer sur son objet en un seul point et ce faisant (en l’absence de toute distraction) de le comprendre facilement.

Sans le calme mental, l'esprit vacillera dans la distraction et la perspicacité ne pourra pas pénétrer pleinement son sujet. Il est également enseigné que le calme ne suffit pas en soi. Le calme mental apporte un état d'esprit paisible et de nombreux autres avantages pour le pratiquant. Cependant, il ne tranche pas la racine de l'ignorance qui lie les êtres sensibles à l'existence cyclique. Pour cela, la vision pénétrante est nécessaire.

 

QUESTION : La classification Chaleur | Expérience Culminante - "Tse-mo" | "Shey-Zöd" - patience dans l'apprentissage | "Zöd-Shey" - apprentissage de la patience, fait-elle partie du chemin de la formation d'un Bodhisattva ? Si tel est le cas, Lama peut-il nous donner ces quatre étapes en tibétain ? 

RÉPONSE :

Parmi les cinq Chemins qui mènent à l'Eveil, les termes que vous énumérez de2crivent des aspects de la pratique liés au deuxième Chemin ou སྤྱོར་ ལམ - Jor-Lam - "Le Chemin de l'Union". Ce chemin relie le premier Chemin celui de l’accumulation, au le troisième Chemin, མཐོང་ ལམ - "Le chemin de la vision".

Ceci étant dit, il concerne bien sûr la formation d'un Bodhisattva. 

Dans l'Hinayana et le Mahayana, ce chemin comporte quatre niveaux. 

 

Dans les deux types d’Hinayana ils sont appelés respectivement du plus bas au plus élevé :

1) དྲོད - dröd - "Chaleur". Ceci indique une quantité croissante d'expérience ou de réalisation dans la pratique de la méditation. Cela signifie que l'on a atteint un certain degré de compétence et que l'on s'approche de la réalisation réelle. Nous pourrions décrire cet état comme "méditativement chaud".

2) རྩེ་ མོ - tse-mo - "Sommet". Ce terme a le sens général du sommet de quelque chose, qui peut inclure l'idée d'acquérir une expérience culminante.

3) བཟོད་ པ - zöd-pa - "Tolérance". L’expérience méditative étant atteinte, la pratique doit se poursuivre patiemment, sans attente. Elle peut alors revêtir une impression d’ennui.

4) མཆོས་ ཆོག - chö-chog - "Dharma Suprême". Quand soudain une certitude s’installe dans le pratiquant qui cesse de « mettre en doute » ses ressentis, et ne limite sa préhension des phénomènes, son espace expérientiel, au monde des apparences uniquement, alors, le Dharma Suprême lui est rendu manifeste.

 

Dans le Mahayana uniquement, le Chemin de l'Accumulation et le Chemin de l'Union sont désignés comme appartenant au "Bhumi de la conduite intentionnelle". Lorsqu'on parle des quatre niveaux du Chemin de l'Union dans le "Bhumi de la conduite intentionnelle", ils sont nommés "Les quatre niveaux bhumis de la conduite intentionnelle".

Le Chemin suivant, མཐོང་ ལམ - thong-lam - "Le Chemin de la Vision" est la maturation des seize aspects résultant des quatre moments de la réalisation des quatre Nobles Vérités et de l'abandon concomitant des rejets liés à cette réalisation.

    ཆོས་ ཤེས - chö-shey - "connaissance du Dharma";

    ཆོས་ བཟོད - chö-zöd - "acceptation de ce dharma";

    རྗེས་ ཤེས - jey-shey - "connaissance ultérieure"; et

    རྗེས་ བཟོད - jey-zöd - "acceptation ultérieure".

Cela s'applique à chaque Noble Vérité. Au total, il y a donc "huit connaissances" du Chemin de la Vision" et "huit acceptations" qui leur correspondent.

Il y a beaucoup plus à apprendre et à pratiquer à ce sujet, mais je pense qu'ainsi, vous obtenez une perspective plus correcte. Prenez une chose à la fois et cela deviendra clair et vous mènera à votre objectif, celui de tous les Bodhisattvas : L’éveil suprême.

 

QUESTION : Ce premier chapitre du Bodhicaryâvatâra, donne une suite de comparaisons pour nous expliquer les bienfaits et les divers types de Bodhicitta. À première vue, j'ai ressenti que c'était seulement une répétition de chaque point, pourtant, chacun semble développer une vision particulière de la Bodhicitta. Cette construction est-elle particulière à Shantidéva ou commune à la rhétorique tibétaine ?

RÉPONSE :

Cette manière d'exposer le sujet est bien entendu celle de Shantideva. Néanmoins, ell exprime les vues et les manières de ses maîtres et principalement ceux de la philosophie Madhyamaka de l'école Nalanda, suivie par la plupart des Tibétains.

 

QUESTION : Strophe 31 - Quelle est la meilleure façon de louer et de faire des offrandes aux Nobles et aux Gurus ? Est-ce de penser quotidiennement à leur qualité dans notre cœur ou plutôt de pratiquer correctement la Sadhana et de rédiger des louanges sous forme de lettre à offrir au Guru?

RÉPONSE :

C’est très bien. Commencez par pratiquer la sadhana. De cette façon, vous apprenez à le faire spontanément à partir du cœur. Si vous rédigez des louanges dans une lettre au Guru, c'est une excellente façon de développer plus de clarté dans votre dévotion. Toutefois, il y a le risque de devenir émotif ou de développer de l'attachement : 

L’attachement à ses propres mots et ressentis emotionnels, 

L’attachement au Guru ... "La vacuité des trois cercles" est plus facile à pratiquer dans la sadhana. 

Sachez toutefois qu’en effet, de nombreuses louanges au Guru ont fait par la suite l’objet de sadhanas.

Je vous invite à demeurer quelques instants dans le calme avant de dédier cette séance pour le bénéfice de tous.

 

Que tous les êtres manifestent rapidement leur véritable essence de Bouddha.

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