Shantideva’s
Bodhicharyāvatāra
བྱང་ཆུབ་སེམས་པའི་སྤྱོད་པ་ལ་འཇུག་པ།།
Groupe d'Etude guidé parVén. Lama Sangyay Tendzin
Session 27 - le 31 juillet 2021
Chapitre Quatre : Questions & Réponses (Partie 1)
Bonjour à tous. Je souhaite vous dire que je suis heureux de l'intérêt que vous portez à l'étude actuelle du Bodhicaryâvatâra. Bien que la mode et l'empressement de la plupart des étudiants de nos jours appellent à des sujets plus avancés tels que Shunyata, Mahamudra, Dzogchen, Annutara Tantra et autres, ce texte même est la base ou le fondement de tels enseignements.
Sans avoir fermement établi un tel terrain, tous les engagements pris par les étudiants du Dharma pour accéder à des formations supérieures ont peu de sens et ils n'auront pas la capacité de les comprendre avec précision.
C'est un peu comme donner la clé d'un bulldozer à un enfant qui saura au mieux n'accomplir rien de constructif ou d'utile. La formation initiale est en effet indispensable, il est vain d'essayer de s’en passer.
Commençons maintenant par les prières traditionnelles.
REFUGE | MANDALA | DEMANDE D'ENSEIGNEMENTS
Invocation du Lama | Quiescence mentale
La semaine dernière, nous avons terminé l'étude du chapitre quatre. Comme annoncé, nous allons maintenant passer à une session de questions-réponses sur ce chapitre. Par souci de simplicité et pour éviter les redondances, j'ai regroupé les différentes questions que j'ai reçues en fonction de leurs sujets.
Question 1 :
Dans le commentaire, pourquoi le royaume des pretas est-il aussi appelé royaume de la mort ?
Réponse :
Il y a beaucoup à savoir sur Yama le Seigneur de la Mort. Bien que représenté dans les royaumes des enfers, il réside dans le royaume des esprits avides ; il est le roi des Pretas. Il vit dans la ville des Pretas à Kapila, à 500 miles au-dessous de Rajgir, ville du nord de l'Inde où le Bouddha enseigna le Soutra du Cœur. L’association de Yama avec les royaumes des enfers vient du fait de sa position de juge du karma.
Si vous contemplez une représentation de la Roue la Vie, elle est tenue fermement par une grande déité rouge foncé au visage courroucé. Personnifiant le samsara, elle porte une couronne de crânes et des cheveux orange flamboyant. Ses deux mains tiennent pressée contre sa bouche, la roue circulaire de l'existence qu’elle est prête à ingurgiter à tout moment. Cela représente l'immédiateté de l'impermanence.
On peut considérer que cette association avec les pretas vient du fait que l'attachement est le refus de la loi de l'impermanence, aveuglé par l'illusion de croire que l'on peut garder l'objet de l'attachement aussi longtemps qu'on le souhaite. Mais il n'en est rien et c’est là une lourde leçon si on n'a pas appris à y faire face avant de mourir. Il a été intégré dans les divinités bouddhistes en tant que pratique nous préparant à la réalisation de l’impermanence.
Question 2 :
Cette question se rapporte à une erreur inaperçue dans la traduction française du terme «Buddhahood» par « capuchon de bouddha » . On me demande quel est le sens de cette expression dans le contexte abordé.
Réponse :
En y regardant de plus près, j'ai trouvé que l'erreur d'origine venait du fait que la version anglaise avait le terme "Buddhahood" écrit accidentellement comme «Buddha Hood», qui se traduit en effet par «Capuchon de Bouddha». Pour répondre à la question, l'expression correcte en français est bien sûr "Bouddhéité"
Question 3 :
Dans la Sloka 22 du chapitre 4, il est dit qu'il est possible que le principe karmique soit logiquement établi à travers le quatrième des principes de raisonnement.
Pouvez-vous nous éclairer sur ces 4 principes de raisonnement ?
1. le principe d'efficacité causale
2. le principe de dépendance
3. le principe de nature
4. le principe de cohérence logique
Réponse :
C'est une excellente question ! Peut-être une tentative de "plonger dans les profondeurs de l’océan". Alors, allez-y prudemment, d'accord ?
Nous abordons ici un sujet philosophique sérieux qui implique la métaphysique à un niveau probablement au-delà de notre compétence. La même question a été posée quatre fois, je vais donc faire de mon mieux pour en parler brièvement.
Concernant les quatre principes de raisonnement mentionnés par Khenchen Kunzang Palden dans son commentaire, il ne fournit pas d'explications et la raison en est qu'il s'agit d'une branche complète de la connaissance. Au moins aussi vaste que le sujet du Bodhicaryâvatâra lui-même.
Pour en parler brièvement, le raisonnement formel est associé aux actes de cognition et de pensée impliquant l’utilisation de l'intellect pour produire des arguments logiquement valides.
“Le Soutra qui Dévoile l'Intention" - དགོངས་པ་ངེས་འགྲེལ།(*) définit les quatre principes régissant la validité logique d’un raisonnement.
(*) L’un des dix sutras du 3ème Tour de la Roue par le Bouddha Sakyamuni, traitant de La Nature de Bouddha.
Les auteurs bouddhistes les plus connus sur la logique sont les maîtres indiens Dinaga et Dharmakirti. Plus récemment, on peut se référer à la traduction "La porte de la connaissance" de Jo Mipham Rinpoché qui contient également une grande connaissance sur ce sujet.
Voici maintenant quelques explications fondamentales de ces quatre principes :
1. L’observation et l’analyse de toutes les fonctions d'une certaine cause produisant un certain effet constituent le raisonnement du fonctionnement. La fonction de base de la loi de karma cause à effet dicte le premier principe de raisonnement, le principe de l'efficacité causale. Tout arrive pour une raison.
2. Le fait que tout ce qui est un effet, tel que le germe, est dépendant de ses propres causes, est appelé le deuxième principe de raisonnement ou le principe de dépendance.
3. Puisque l'efficacité des phénomènes et leur dépendance aux causes sont leurs caractéristiques intrinsèques, ces deux principes de raisonnement qui s'y rapportent sont eux-mêmes contenus dans le principe plus vaste de leur nature.
C'est là que cela devient un peu complexe pour certaines personnes :
Les raisonnements conventionnels et ultimes sont tous deux appelés raisonnements basés sur la nature ou l’évidence des phénomènes. Quand on atteint ce point, aucune autre preuve valide n'est nécessaire, tout comme il n'est pas nécessaire d'expliquer la raison de la chaleur du feu.
La nature relative ou le mode existentiel du feu est qu'il projette de la chaleur ; la nature ultime ou l'essence du feu est qu'il manque d'existence intrinsèque.
Ainsi, le mode d'être d'un phénomène se doit d'être établi inéluctablement par les deux cognitions valides, -conventionnelle et ultime- et non par seulement l'une d'entre elles.
4. Comment cette preuve est-elle établie ? Il est établi au moyen de
a. la validité de la perception directe qui consiste à percevoir le sens conventionnel de tout ce qui apparaît et le sens ultime de ce qui est réellement et,
b. la validité de l'inférence, qui consiste à inférer indubitablement quelque chose d'autre, à partir de la perception d'un signe qui a la capacité d'estimer quelque chose de caché.
Ces deux types de validité fondent le principe de cohérence.
Question 4 :
Dans la strophe 34 du chapitre 4, Lama a parlé de l'essence de l'élément eau sous forme de la dakini Mamaki. Pourriez-vous nous éclairer sur l'énergie de cet élément ainsi que sur l'énergie des 4 autres éléments afin de nous aider à combattre les émotions conflictuelles.
Réponse :
Sautez dans une piscine et dites "bonjour Mamaki" !
Les sadhanas de pratique fournissent au pratiquant en temps opportun les connaissances dont ils ont besoin pour leur progrès spirituel.
Par exemple, les pratiques du Tantra Annutara telles que VajraYogini, Khorlo Demchog ou Gyalwa Gyamtsho vous familiarisent avec la réalisation que vous recherchez. De manière directe et non pas intellectuellement. De nombreuses sadhanas le font de façon très progressive.
De plus, vous n'avez pas à combattre les émotions conflictuelles. Ce serait un conflit de plus ! Détendez-vous et observez votre esprit au lieu de répondre à ses fantasmes. Le prochain séminaire sur Karma Pakshi est essentiel pour permettre cela.
Question 5 :
Nos émotions négatives sont comme des geôliers nous emprisonnant dans les trois mondes du samsara. Lama pourrait-il nous donner plus d'explications sur ces trois mondes ?
Réponse :
Nous avons tous en commun de vouloir le bonheur. Pourtant, nous avons tous un point de vue différent sur la façon d'y arriver.
Par arrogance, nous voulons exister de manière indépendante et solidifier tout ce dont nous avons besoin, pour justifier et essayer de réaliser une telle existence. C'est la prison que nous créons pour nous-mêmes. Cette prison est unique à chacun. Selon notre intelligence et le degré conséquent de subtilité que nous manifestons dans notre vie, nous expérimentons un type particulier de prison.
Fondamentalement, le Bouddha a enseigné qu'il y a trois domaines d'existence :
1. Le Karmadhatu comprend six royaumes d'êtres asservis par le désir des objets des sens.
- Nous éprouvons du désir pour les objets perçus par nos consciences tels que les formes, les sons, les odeurs, les saveurs, les sentiments et les pensées.
- Ce désir est généré de manière positive, négative ou neutre, ce qui nous conduit vers l'attachement, l'aversion et l'ignorance.
- Ces trois poisons principaux induisent dans notre esprit des émotions conflictuelles et des actions karmiques. Les deux ont pour résultat de développer des schémas habituels conduisant à une renaissance dans l'un des six types d'existence du Karmadhatu (enfers, pretas, animaux, humains, asuras, dieux).
- Le moyen de sortir de cette dépendance au désir passe par la méditation. C'est le privilège du royaume humain et de certains dieux.
2. Le Rupadhatu, où les êtres n'ont plus de désir. N'ayant plus de désir pour les objets sensuels, ils n'ont plus de corps de chair. Ils éprouvent encore des émotions souillées car ils sont attachés au concept de forme, et c'est ce qui les distingue. Le Rupadhatu compte 17 types de dieux demeurant dans l'un des quatre niveaux d'absorption méditative (dhyana).
3. L'Arupyadhatu. Dans le royaume du 'non-forme', les êtres sont suspendus dans un état d'absorption indéterminée de neutralité vierge. C'est le plus élevé des trois mondes d'existence. Il n'y a pas de réel avantage à y être et c'est le résultat d'un attachement à l'absorption méditative qu'ils expérimentent.
Nous ne disposons pas du temps nécessaire à de plus amples explications. Je vous conseille d'étudier les notes d'enseignements publiées sous la référence KTP | GT 018. Ceci est disponible en anglais et en français.
Question 6 :
Il est dit dans ce chapitre du Bodhicaryâvatâra que nous devons faire le travail pour éradiquer les émotions conflictuelles qui nous maintiennent dans le Samsara depuis tant de vies. Nous sommes notre propre bourreau et avons la solution pour les arrêter en ne nous y soumettant pas.
J'ai un peu de mal à ne pas y voir une contradiction avec le fait de prendre Refuge et de demander les bénédictions du Guru afin que nous puissions maîtriser notre esprit.
Je suppose que c'est mon esprit dualiste qui voit la contradiction, mais c'est quelque chose que je ressens souvent. Pourquoi prenons-nous Refuge si nous devons travailler par nous-mêmes ?
Avons-nous besoin de travailler sur le monde relatif et les bénédictions du guru entrent dans la vérité absolue ?
Réponse :
Disons que peut-être, nous sommes notre propre "manager". Évidemment ! Chacun de nous a construit sa propre prison. "Manager" … Je pense que le terme est mieux choisi que "bourreau". Il s’agit d’aller vers l’éveil, pas sur l’échafaud !
Nous sommes libres de nous gérer nous-mêmes et la méthode pour ce faire est le Dharma sacré.
Le guru est là pour transmettre ce Dharma vivant. C'est-à-dire non seulement l'enseignement des méthodes, mais les bénédictions du Bouddha transmises à travers la Lignée. De cette façon, nous pouvons réussir à nous gérer nous-mêmes. Nous avons un lien filial. Le Lama est comme la mère… pour nous aider à parler, à marcher, etc. Toutefois, l’action, la tâche, nous incombe. C'est notre vie !
Faites-vous confiance. Votre sentiment vient de la peur de ne pas répondre aux attentes. Il vous faut abandonner la peur de quitter le samsara… ses plaisirs futiles et vains. Ils le sont car ne mènent pas bien loin !
Le Guru travaille à la fois au niveau relatif et absolu. Il est là, à vos côtés. C’est relatif. Il est aussi l’aspect absolu et vous aide, sans cesse, par sa Bodhicitta, ses prières et les bénédictions qu’il transmet.
Question 7 :
En lisant les versets 9, 10, 11 du chapitre 4, il me vient à l'esprit non seulement la responsabilité de ne pas entraver le bonheur d'un être, mais aussi de ne pas laisser un seul être entraver mon propre bonheur, ma propre motivation sous peine de causer sa souffrance aussi. Est-ce correct ? L'interdépendance peut-elle se manifester ici de cette façon ?
Réponse :
Cela semble un peu tordu. Le propos des trois versets que vous avez mentionnés est de vous montrer l'importance de ne pas blesser ou dénigrer un Bodhisattva. Bien sûr, nous devons éviter de blesser tout être sensible, mais le point ici est qu'un Bodhisattva a réalisé l'interdépendance avec tous les êtres. Il est inséparable d'eux. Ainsi, si on le blesse, la souffrance prend une grande ampleur et touche tous les êtres.
Maintenant par rapport à notre deuxième affirmation, qui n'est pas mentionnée dans le texte, j'ai des difficultés à me rapporter à ce genre de projection dualiste. Interdépendance ? Propre bonheur ? Pensez-y ! D’accord ?
Question 8 - Stanza 44 :
Faites-moi périr par le feu
Ou coupez-moi la tête :
Jamais je ne m’inclinerai
Devant mes ennemis, les émotions négatives !
Cette strophe me bouleverse ! Je n'ai pas l'impression d'avoir jamais ressenti une telle motivation ! Comment pourrais-je mieux le comprendre ?
Réponse :
Ne vous inquiétez pas, soyez heureux ! Toutefois, comprenez que par ces exemples extrêmes, Shantidéva nous montre, de la manière la plus directe, l'importance d'abandonner nos émotions conflictuelles. C'est une condition sine qua-non pour progresser sur la voie de l'Éveil !
Nous nous arrêterons ici pour aujourd'hui. Comme il y a encore quelques questions auxquelles il faut répondre, ce sera fait samedi prochain. L'étude de la Bodhicaryâvatâra reprendra ensuite après le prochain webinaire sur la sadhana de "Karma Pakshi Lama'i Naljor" qui aura lieu du 13 au 21 août, un enseignement lié par samaya.
Je vous invite à demeurer quelque temps en quiétude mentale avant de dédier le mérite de cette session au profit de tous.

