Shantideva’s

Bodhicharyāvatāra

བྱང་ཆུབ་སེམས་པའི་སྤྱོད་པ་ལ་འཇུག་པ།།

Groupe d'Etude guidé parVén. Lama Sangyay Tendzin

Chapitre SIX : Faire preuve de patience

Session 41 - Samedi 2 Avril, 2022

 

 

Bonjour à tous.

Nous avons la chance de pouvoir continuer notre étude de groupe sur le Bodhicaryâvatâra.

Je suis très reconnaissant pour cela. Commençons par les prières traditionnelles.

 

REFUGE | MANDALA | REQUÊTE des ENSEIGNEMENTS

Invocation du Lama | Mental Quiescence

 

Aujourd'hui, nous commençons l'étudie du 6ème chapitre de cette éminente composition du Seigneur Shantideva qu'est le Bodhicaryâvatâra. Ce chapitre est un exposé des plus élaborés sur le sujet, présenté sur 134 versets. Le sujet traite de la patience comme moyen d'éliminer la colère, l'antithèse de la Bodhicitta.

 

Stanza 1:

Il suffit d’un accès de colère pour détruire

La générosité́, les offrandes aux bien-allés

Et toutes les pratiques méritoires

Accumulées au cours de mille kalpas.

 

Vasubhandu, dans l'Abhidharmakosha, définit un kalpa comme l'intervalle de temps embrassant les quatre périodes de la vie d'un système universel :

Sa formation, sa durée, sa destruction et la période de vide suivant sa destruction.

 

150 cycles de ces quatre étapes correspondent à une durée de 20 kalpas intermédiaires.

La durée d'un grand kalpa correspond à quatre-vingts kalpas intermédiaires.

Les sutras affirment que le mérite de toutes les actions vertueuses accumulées pendant mille grands kalpas, comme la pratique de la générosité envers les êtres, prendre refuge dans les Trois Joyaux et leur présenter des offrandes, garder la discipline, etc., est dévasté par un seul instant de colère violente.

Des commentaires (*) expliquent que les êtres ordinaires qui succombent à la colère détruisent le mérite accumulé pendant cent kalpas, mais que les Bodhisattvas qui succombent à la colère détruisent le mérite de mille kalpas.

Les sources scripturaires sur ce sujet contiennent des explications beaucoup plus détaillées spécifiques au type de vertus causales dont le mérite est détruit. Cependant, je crois que cette explication est suffisante et nous laisse entendre clairement que la colère doit être absolument évitée.

La patience est l'antithèse directe de la colère ; néanmoins, il a été dit que lorsque le mérite recueilli par la pratique de la générosité et de la discipline est soutenu par les trois méthodes suprêmes (**), il est alors protégé de la destruction due à des conditions défavorables.

(*) Manjushrivikridita-sutra. Cependant, le sutra de Prajnaparamita de longueur moyenne fait référence au temps qu'il faut pour accomplir l'action.

(**) Les trois méthodes suprêmes pour toute pratique ou action sont:

1. Préparer le terrain en cultivant la Bodhicitta ;

2. Effectuer la pratique de manière concentrée, sans être altéré par la saisie de l'objet, du sujet et de l'action comme des entités réellement existantes (Khor-sum Tongpa, la vacuité des trois cercles) ; et,

3. Conclure la pratique en dédiant le mérite qui en résulte à l'éveil pour le bien des autres.

 

Stanza 2:

Comme il n’est pire faute que la colère

Ni meilleure ascèse que la patience,

Appliquons-nous, de toutes les façons

Possibles, à cultiver la patience.

 

La colère, comme aucune autre action négative, détruit la vertu et provoque la naissance dans les royaumes infernaux. Au contraire, aucune autre vertu ou « austérité » ne peut égaler la patience, qui est l'inverse de la colère.

Comme déclara le Bouddha :

La patience est l'ascèse sublime, la patience est suprême ; C'est la transcendance suprême de toute peine”.

Par conséquent, elle doit réellement être cultivée. Nous devons nous efforcer faire naître la patience en nous de toutes les manières possibles, comme expliqué plus en détail plus loin dans ce chapitre.

 

Stanza 3:

Assailli par les douleurs de la colère,

L’esprit ne goûte plus la paix

Et ne trouve ni joie ni bien-être ;

Le sommeil disparaît et l’on vacille.

 

Lorsque notre esprit est irrité par des émotions conflictuelles provoquées par des ennemis ou des situations non familières, nous nous retrouvons tourmentés par la douleur de la colère. Cela contrecarre grandement notre entraînement mental et annihile la béatitude de la concentration, état de bonheur mental parfait.

Il sera alors impossible d'atteindre la concentration de l'esprit et nous ne connaîtrons ni joie mentale ni bien-être physique, même la nuit. Par conséquent, nous nous sentirons complètement en insécurité et perdrons toute stabilité physique et mentale.

 

Stanza 4:

Les employés d’un maître qui leur procure

Généreusement richesses et services

Tout en étant plein de colère

Se rebelleront contre lui jusqu’à le tuer.

 

Les dirigeants qui sont possédés par la haine peuvent très bien offrir gracieusement à leurs serviteurs et ministres - les subordonnés qui dépendent d'eux- des richesses (or et argent) et tout ce qu'ils désirent, tels que des positions qui leur apportent l'estime des autres.

Néanmoins, même ces ministres, sans parler d'autres personnes, oublieront les faveurs qui leur ont été faites et se retourneront contre leurs seigneurs, les attaquant et allant même jusqu'à les tuer.

 

Stanza 5:

Il lassera ses amis et ses proches ;

Même ceux qu’attirent ses largesses le fuiront.

Bref, il n’est pas un seul être en colère

Qui se sente heureux.

 

Être en colère apporte du chagrin à sa famille et à ses amis, à cause d'un langage dur et un comportement violent.

Cela leur déplaira et ils éviteront la proximité, s'ils ne se détournent pas complètement.

S'entourer d'un cercle de collaborateurs en leur donnant sans compter argent et biens ne suffira pas à les retenir à son service.

En bref, une personne en colère est comme un serpent vicieux, complètement privée de bonheur et de bien-être.

Il est donc essentiel de se débarrasser d'une telle colère.

 

Stanza 6:

Cet ennemi, la colère,

Est l’auteur de toutes les souffrances.

Celui qui s’attache à vaincre la colère

Sera heureux dans cette vie et les suivantes.

 

Ceux qui haïssent verront toutes leurs vertus ruinées par leur propre colère. Cela les mènera dans les enfers, comme expliqué précédemment. Leur colère leur causera de la peine, dans cette vie et dans les vies futures.

En revanche, ceux qui prennent le contrôle de leur esprit, s'entraînant à la patience, obtiendront le contraire. Ils anéantiront la colère, leur ennemi, et atteindront un grand bonheur tant dans leur vie actuelle que dans celles à venir.

 

Stanza 7:

Nourrie de mon déplaisir

Lorsqu’on m’inflige ce que je ne veux point

Et qu’on s’oppose à ce que je veux,

La haine enfle et me détruit.

 

Tout ce qui produit des situations inconfortables et indésirables (comme la perte de biens) pour nous et notre entourage, et tout ce qui nous empêche d'obtenir ce que nous voulons en termes de richesse et de bien-être, tout cela entraîne un état d'agacement mental, qui alimente la colère et la haine.

Car tout comme la nourriture fait grandir le corps, le malheur de l'esprit engendre la colère et le ressentiment, le noyau même de ce qui dévaste toute sorte de bonté mentale. Il est donc essentiel de surmonter de tels états de mécontentement, car ils alimentent notre colère.

 

Stanza 8:

Il me faut donc anéantir

Ce qui nourrit mon ennemi,

Lui qui n’a d’autre activité́

Que de me nuire.

 

Tout comme il est possible de saper la force des ennemis en interceptant leur approvisionnement en nourriture, de la même manière nous devrions anéantir notre mécontentement de l'esprit, qui est la nourriture de la colère, notre ennemi.

Cet ennemi n'a d'autre but que de nous nuire de bien des manières, en détruisant nos racines de vertu.

 

Stanza 9:

Quoi qu’il arrive,

Je n’irai pas troubler ma joie,

Car le mécontentement ne comble pas les désirs

Et détruit les mérites.

 

Et ainsi, chaque fois qu'une nuisance ou un malheur s'ensuit dans la manière de nous impliquer dans des situations indésirables, ou quels que soient les obstacles aux situations souhaitées, nous devons nous résoudre encore et encore à ne jamais leur permettre de perturber la disposition joyeuse de notre esprit. C'est en soi le remède contre la dépression.

Bien qu'il soit dit que si nous tolérons simplement le malheur, le résultat sera que tout le monde, bon et mauvais, nous méprisera. Le fait est que si notre esprit est bouleversé, nous permettant d'être déprimés par les torts qui nous sont causés, cela nous empêchera d'atteindre nos objectifs et la vertu de notre esprit sera affaiblie et détruite.

 

Stanza 10:

S’il y a un remède,

À quoi bon être mécontent ?

Et s’il n’y en a pas,

À quoi bon s’irriter ?

 

Si l'on est sûre que quelque chose peut être fait pour changer la situation lorsque des torts nous sont causés, pourquoi déprimer et avoir du ressentiment ? Appliquons ce remède !

De même, si rien ne peut être fait pour remédier à la situation, une tasse cassée par exemple, à quoi bon en être mécontent ? En effet, non seulement cela ne sera d'aucune utilité, mais cela aggravera encore la situation en raison de la souffrance produite par le conflit survenant en nous-mêmes et chez les autres également.

Ayant ainsi identifié la colère comme l'obstacle majeur pour atteindre notre objectif, et la nécessité de cultiver la patience, la strophe suivante consiste à identifier l'objet de la patience.

 

Stanza 11:

Pour nos amis ou nous-mêmes,

Nous ne voulons pas de souffrance, d’humiliation,

D’injures ni de médisances : l’exact contraire

De ce que nous souhaitons à nos ennemis.

 

Il est dit qu'il y a vingt-quatre objets auxquels il faut appliquer la patience :

  • douze choses que nous ne voulons pas et,
  • douze choses qui entravent nos désirs.

Il y a quatre choses que nous ne voulons ni pour nous ni pour ceux qui nous sont proches (nos parents, notre professeur, notre tradition, etc.). Ce sont:

(1) la souffrance,

(2) les désavantages qui découlent de choses telles que la discrimination méprisante,

(3) l'agression verbale directe, comme être traité de voleur, et

(4) la destruction d'une bonne réputation par la diffusion de rumeurs malveillantes.

Appliqué à la fois à nous-mêmes et à nos proches, cela fait un total de huit choses indésirables.

De plus, il y a quatre choses (le contraire des quatre mentionnées précédemment) que nous ne souhaitons pas que nos ennemis aient. Nous ne voulons pas qu'ils soient heureux, qu'ils soient loués ou qu'ils aient un quelconque succès matériel ou une bonne réputation.

Par conséquent, cela fait en tout douze choses que nous ne voulons pas.

Les douze choses qui nous empêchent d'obtenir ce que nous voulons, consistent en des obstacles à notre bonheur et autre (l'inverse des choses précédemment nommées), expérimentés quatre par quatre par nous-mêmes et par nos proches (donc huit ), ainsi que des obstacles à la souffrance et autre, expérimentés par ceux que nous n'aimons pas.

Ainsi, il y en a douze, ce qui, avec les douze précédents, font vingt-quatre objets par rapport auxquels il faut exercer la patience.

Considérés du point de vue des situations passées, présentes et futures, ces vingt-quatre points constituent en tout soixante-douze causes de colère. On dit qu'il faut cultiver la patience à leur égard ; nous devrions pouvoir accepter ce que nous ne voulons pas, et même considérer comme un défaut en soi le fait de vouloir.

Kunzang Palden dans son commentaire distingue deux manières de cultiver la patience, respectivement vis-à-vis de ce que nous ne voulons pas et vis-à-vis de ce qui nous fait souffrir.

Dans les dix strophes suivantes, Shantideva exposera en détail la patience d'accepter la souffrance.

Ce sera le sujet du prochain cours qui commencera par la strophe 12.

Pratiquons un court instant la quiétude mentale, avant de dédier le mérite de cette séance au profit de tous.

Image

2darker banner footer 1142px v4