Shantideva’s

Bodhicharyāvatāra

བྱང་ཆུབ་སེམས་པའི་སྤྱོད་པ་ལ་འཇུག་པ།།

Groupe d'Etude guidé parVén. Lama Sangyay Tendzin

Chapitre SIX : Faire preuve de patience
Session 43 – Samedi 21 mai 2022

 


REFUGE | MANDALA | REQUETE des ENSEIGNEMENTS
Invocation du Lama | Quiescence Mental


Bonjour à tous.
Aujourd'hui, nous reprenons l'étude du 6ème chapitre du Bodhicaryâvatâra. Ce chapitre nous donne un exposé élaboré sur comment « Faire preuve de patience ».


o Dans les strophes 1 à 10, Shantideva présente le sujet en insistant sur la nécessité d'éliminer la colère, l'antithèse de la Bodhichitta.

o La strophe 11, identifie vingt-quatre objets auxquels la patience doit être appliquée.

o Dans les strophes 12 à 21, Shantideva enseigne le développement de la patience face à ce qui nous fait souffrir.

o Dans les strophes 22 à 33, Il aborde le sujet que nous étudions présentement :


"La Patience qui consiste dans la certitude quant à la réalité ultime des phénomènes".


La semaine dernière, nous en avons parcouru les strophes 22 à 24. Nous poursuivons maintenant avec la Strophe 25 :


Stanza 25:
Tous les maux qui se peuvent imaginer
Et les actes négatifs dans toute leur variété
Sont produits par la force des causes :
Ils n’ont aucune indépendance.


La colère et les autres émotions conflictuelles, ainsi que toute la série d'actions malsaines motivées par elles - tuer, voler, etc. - sont également provoquées par de multiples circonstances.
Lorsque de telles circonstances font défaut, ces afflictions sont impuissantes à agir intentionnellement par elles-mêmes. Par conséquent, que nous ne devrions pas réagir à nos ennemis avec haine et colère, mais plutôt générer de la compassion.


Stanza 26:
Une fois rassemblées, les causes, à leur tour,
Ne pensent pas qu’elles vont produire un effet,
Et ce qu’elles ont engendré
Ne pense pas non plus l’avoir été.


Lorsqu'aucun objet visible n'est présent, l'expérience de voir dans la conscience de l'œil ne se produit pas. Il en va de même pour chacune des consciences sensorielles. En l'absence de voir, d'entendre, etc., il n'y a pas d'engagement dans des actions positives ou négatives.

Par conséquent, bien que la colère surgisse sur la base de la présence simultanée d'un objet, du pouvoir sensoriel et de la conscience sensorielle, le rassemblement de ces trois conditions n'a pas en soi l'intention de produire de la colère dans l'esprit.
De même, la colère qui en résulte n'est pas une entité qui se considère comme produite par de telles conditions.
Dans tout cela, il n'y a aucune trace d'un agent indépendant et autonome.


Stanza 27:
Ce que d’aucuns voient comme la « nature primordiale »,
De même que le concept de « soi »,
Cela n’accède pas à l’existence
En projetant d’exister.


Dans son commentaire, Künzang Palden déclare que les Samkhyas, les Nyayikas et d'autres non bouddhistes considèrent que certains facteurs contributifs existent indépendamment. Car ils croient que purusha, prakriti, sont des entités autonomes et qu'ils sont à l'origine de phénomènes tels que l'attitude agressive d'un ennemi.


Samkhya, une école de philosophie hindoue qui considère la raison comme source valable de connaissance, (contrairement à la logique de l'école Nyaya ou à la tradition de l'école Mīmāṃsā), ainsi que la philosophie du yoga déclarent qu'il existe deux réalités ultimes dont l'interaction représente toutes les expériences et univers, à savoir Purusha (esprit) et Prakrti (matière).

L'univers est envisagé comme une combinaison de réalité matérielle perceptible et de lois et de principes de la nature non perceptibles et non matériels. La réalité matérielle, ou Prakrti, est tout ce qui a changé, peut changer et est sujet à cause et effet. Le principe universel, ou Purusha, est ce qui est immuable et sans cause.


Ce n'est cependant pas vrai. Ce qu'ils considèrent comme prakriti, et ce qu'ils conçoivent et étiquettent comme purusha ne résultent pas d'un état préexistant visant à nuire ou influencer autrui, de quelque manière que ce soit. Ils ne surgissent pas avec une intention aussi préméditée pour la simple raison qu'ils sont eux-mêmes aussi inexistant que le fils d'une femme stérile. Car si purusha et prakriti (qui sont considérés comme des entités permanentes et indépendantes) peuvent « naître », ils sont en fait impermanents et dépendent de causes et de conditions extérieures.


Stanza 28:
Ce qui n’est pas né, n’existe pas :
Comment cela pourrait-il aspirer à l’être ?
Se portant continuellement vers son objet,
Le soi ne cesserait jamais de le percevoir.


Si, d'un autre côté, ils ne sont pas nés, purusha et prakriti n'ont pas d'existence. Cela étant, il n'y a rien qui puisse naître ou qui veuille naître en tant qu'agresseur ou quoi que ce soit d’autre.

On peut soutenir que le soi conscient ou purusha, affirmé par les Samkhyas, apprécie les objets qui lui sont présentés par la prakriti.

Mais si le purusha connaît et appréhende un objet tel que le son, il doit percevoir ou « dévier vers » cet objet de façon permanente et exclusive. Purusha ne peut jamais cesser de percevoir cette seule chose, parce que (selon ceux-ci), il est permanent en tant que percepteur.


Stanza 29:
Si le soi est permanent, (comme l’affirment Nayaya)
Il est forcément inactif comme l’espace.
Entrerait-il en contact avec une cause étrangère,
Quelle action cette dernière aurait-elle sur l’immuable ?


Quant à la réfutation de la croyance des Naiyayikas selon laquelle le soi est permanent et inconscient, Shantideva soutient qu'un tel soi ne peut pas fonctionner comme un esprit malveillant. En effet, puisque ce moi permanent est, du fait de sa permanence, comme l'espace, il est certainement dépourvu
d'efficacité causale ou d'action.

Les Naiyayikas soutiennent que bien que le soi soit permanent, lorsqu'il rencontre des conditions circonstancielles impermanentes, telles que les manifestations de l'esprit (manas), qui lui sont étrangères, il devient causalement efficace.

Mais ceci n’a pas de fondement. Même s'il rencontre d'autres facteurs, comme l'esprit, le moi permanent est par nature immuable et ne change pas. Par conséquent, demande Shantideva, quelle efficacité causale ces conditions pourraient-elles produire qui n'existait pas auparavant ? En effet, il n’en est rien.


Stanza 30:
Si, quand on agit sur le soi, celui-ci reste inchangé,
En quoi cette action l’affecte-t-il ?
Quand on dit : « Ceci agit sur le soi »,
Quel rapport s’établit-il entre ces deux choses ?


Par conséquent, même si l'esprit et d'autres conditions circonstancielles devaient l'aider, si le moi est immuable, quelle propriété ces conditions, ou l'esprit, pourraient-elles en tirer qui n'était déjà présente ? Aucune ! En effet, s'ils y parvenaient, cela réfuterait la permanence du moi.

Ainsi, même si les Naiyayikas prétendent que de telles conditions sont des auxiliaires du soi, quel lien peut-il y avoir entre ces deux en termes d'assistant et d'assisté ? Car ce qui est permanent ne peut être aidé par des conditions circonstancielles.


Stanza 31:
Ainsi, tout dépend d’autres choses
Qui, elles-mêmes, ne sont pas indépendantes.
Ce que sachant, je ne m’emporterai plus
Contre toutes ces réalités pareilles à des illusions magiques.


Par conséquent, tous les agents du mal sont sans autonomie. Ils surgissent par le pouvoir des conditions circonstancielles. Et ces mêmes conditions surgissent successivement sous l'influence de conditions encore antérieures et sont donc elles-mêmes sans autonomie.

Par exemple, l'ennemi se déclare par la puissance de sa haine. Sa haine surgit en raison de certaines conditions, et ces conditions surgissent par le pouvoir de circonstances karmiques encore plus anciennes. Et ainsi de suite à l'infini. Il y a une régression sans fin des causes précédentes. Une entité entièrement autonome est donc impossible. Tout surgit en dépendance de quelque chose d'autre et est donc vide.


Quand nous comprendrons cela, nous comprendrons aussi que tout agent de mal, étant dépourvu d'existence réelle, est comme un mirage, une image de rêve ou une apparition magique. L'objet de la colère et l'agent de la colère sont tous deux irréels - l'interdépendance signifie vacuité - et nous ne devrions donc pas nous permettre de nous mettre en colère.


Stanza 32:
Qui vainc quoi ? demandera-t-on :
Cette victoire n’a pas de sens.
Ce qui n’empêche qu’il n’y a rien d’absurde
À vouloir ainsi interrompre la souffrance.


Étant donné que toutes les choses sont comme des apparitions magiques, sans véritable existence, on pourrait soutenir qu'il n'est pas logique d'opposer la colère à la patience. Après tout, quelle colère y a-t-il à combattre par quel antidote ou par quelle personne – car il n'y a pas d'acteur et rien n'est fait ? Au niveau ultime, c'est tout à fait vrai.


Mais si nous nous en tenons au niveau conventionnel, la vérité relative, c'est sur la base de la culture de la patience que le continuum de la souffrance infernale et ainsi de suite (qui est la conséquence de la haine) est rompu. Il n'y a rien d'inapproprié à cela; au contraire, c’est en effet très raisonnable.


Stanza 33:
Donc, s’il vous arrive de voir un être,
Ami ou ennemi, mal se comporter,
Restez serein en vous rappelant
Qu’il agit sous l’emprise de causes.


Étant donné que toutes les choses sont « alimentées par d'autres », c'est-à-dire qu'elles surviennent de manière dépendante, lorsque nous rencontrons quelqu'un, ennemi ou ami, faisant quelque chose de fâcheux ou de nuisible, nous devons nous rappeler que cela est dû à des conditions ; ce n'est pas un événement indépendant existant de manière autonome. Et en suivant l'explication donnée ci-dessus, nous devons rester calmes et ne pas répondre avec colère, comme cela est décrit dans le conte du Shravaka Purna quand il est allé mendier l'aumône.*


Cette strophe conclut la présentation du thème « La patience qui consiste dans la certitude quant à la
réalité ultime des choses ».


Dans les strophes 34 à 51, Shantideva expose un nouveau sujet, celui de 
"La patience de faire la lumière sur ce qui cause du mal".


Stanza 34:
S’il n’arrivait que ce que nous voulons,
Comme nul ne souhaite la souffrance,
Aucun être
Ne souffrirait.


Si les êtres avaient la liberté d'être comme ils le voulaient sans dépendre des conditions, il s'ensuivrait que personne ne souffrirait même légèrement. Car personne ne veut souffrir ou être malheureux même dans la plus petite mesure. Tout le monde veut le bonheur.


Stanza 35:
Or, par manque d’attention,
On se blesse aux ronces ;
Ou, pour obtenir un partenaire,
Par désir on se prive de manger ;


Mais ce n'est pas ainsi que les choses se passent. C'est par inadvertance que les êtres se blessent impuissants, s'arrachant aux épines et aux ronces.
D'autres, ardents à la poursuite de partenaire, de richesses et de possessions, se privent de nourriture et de boisson et s'infligent de grandes souffrances et de grands inconforts.


Stanza 36:
Certains se pendent, d’autres se jettent dans un ravin,
D’autres encore s’empoisonnent ou s’intoxiquent,
Et d’autres se font du mal
En commettant des actes nuisibles.


Les gens se détruisent même, certains en se pendant, d'autres en sautant des falaises, d'autres en mangeant de la mauvaise nourriture ou en avalant un poison mortel.


D'autres encore, par leur mauvaise conduite - meurtre, vol, inconduite sexuelle, mensonge, etc. - se ruinent dans cette vie et dans les vies futures.


Stanza 37:
Leurs émotions les emportent
Au point qu’ils tuent leur propre chéri.
Comment ne s’en prendraient-ils pas
Alors aux autres ?


Comme cela a été expliqué, si, alors qu'ils sont impuissants, sous l'emprise de la haine, de l'attachement et des autres afflictions, les êtres se détruisent eux-mêmes - eux-mêmes qu'ils chérissent tant - comment peut-on s'attendre à ce que ceux qui, sous le joug des souillures, ne fasse du mal au corps des autres ? C'est certain qu'ils le feront !


Nous nous arrêterons ici aujourd'hui. Pratiquons un court instant la quiétude mentale, avant de dédier le mérite de cette séance au bénéfice de tous.

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