Shantideva’s
Bodhicharyāvatāra
བྱང་ཆུབ་སེམས་པའི་སྤྱོད་པ་ལ་འཇུག་པ།།
Groupe d'Etude guidé par Vén. Lama Sangyay Tendzin
Session 59 - Samedi 17 décembre 2022
Chapitre SIX : Cultiver la Patience
Questions & Réponses : Session 3
REFUGE | MANDALA | REQUETE des ENSEIGNEMENTS
Invocation par le Lama de l’assemblée des Bouddhas et des détenteurs de Lignée.
Courte pratique de Quiétude Mentale – Développement de la Bodhicitta
Tashi Deleg ! Nous abordons la troisième session dédiée aux questions & réponses sur le Chapitre Six du Bodhicaryâvatâra dédié à la Pratique de la Patience. Comme il reste encore 12 questions en suspens, je compte sur votre patience car nous serons probablement appelés à prolonger cette session.
Samedi dernier, nous avons analysé la validité du questionnement émotionnel et de la tendance habituelle à entrer en conflit avec les situations rencontrées au quotidien.
Nous avons ensuite abordé la question de l’existence du soi, source de conflits récurrents dus à l’absence de réalisation de la vacuité et de son indissociable clarté permettant de vivre les phénomènes dans l’acceptation totale de leur telléité. Nous poursuivons avec les questions suivantes :
Questions 9 – Strophe 64 :
Strophe 64 :
Ceux qui dénigrent ou détruisent
Les statues, les stoûpas et les enseignements suprêmes
Ne méritent pas notre haine,
Puisqu’on ne peut faire aucun mal aux bouddhas.
Question :
Il est dit dans le commentaire :
« Ces personnes ne devraient jamais être les objets de notre compassion.
Nous ne devrions pas être en colère contre eux ». Pourquoi en est-il ainsi ?
Réponse :
Comme vous avez pu vous en douter, le rendu français du commentaire original de la transcription anglaise est incorrect. La phrase en anglais se lit comme suit :
« These people should only ever be the objects of our compassion. We should not be angry with them. »
La traduction correcte de cette expression anglaise signifie en fait tout le contraire, c'est-à-dire
« Ces personnes ne devraient jamais être que les objets de notre compassion. Nous ne devons pas être en colère contre eux !".
Question 10 & 11 - Strophe 71 :
Strophe 71 :
De même, par peur que nos mérites soient
Réduits en cendres, renonçons sur-le-champ
Aux objets de l’attachement
Qui attisent les flammes de la haine.
Question 10 :
Comment prévenir la colère, la propagation de l’incendie ?
Réponse :
Pour contrôler notre colère et la rediriger vers des solutions positives, nous devons être en phase avec nos pensées et nos sentiments. Pour réussir à maîtriser nos émotions, il faut connaître et comprendre leur fonctionnement.
Les émotions résultent du déroulement d'une succession de pensées non reconnues qui sont conflictuelles ou afflictives dans la mesure où elles ne sont pas en harmonie avec notre nature de l'esprit.
De telles émotions ne sont pas appréhendées à la légère comme de simples manifestations de la clarté de l'esprit. Au lieu de cela, elles sont figées dans la froideur de l'analyse mentale dualiste générée sous l'influence de l'agressivité, de l'attachement ou de l'indifférence.
La tendance égocentrique est de se rapporter aux phénomènes exclusivement en réagissant à la façon dont ils apparaissent, ou se manifestent. Le manque de clarté et vacuité est évident à ce stade ; il s’ensuit que nous nous engageons inévitablement dans une manipulation de l'ego par l'habileté de son intelligence mentale.
L'ego utilisera la colère pour réagir face à une situation rencontrée qu'il trouve désagréable.
Il en fera de même dès que ce qu'il souhaite sera critiqué, mis en doute, ou rendu inaccessible par une source extérieure.
La colère est alors souvent réorientée vers l'agent en cause ou contre la personne que le moi considérera comme responsable. C'est un processus systématique qui, une fois reconnu, devient plus facile à prévenir. La formation de l'esprit est essentielle pour réussir à y parvenir.
Question 11 :
Parlant de la colère, on s’y entraine chaque fois qu’elle surgit. Mais comment fait-on lorsqu’il est trop tard et qu’elle ravage l’esprit ?
Lama Rinpoché nous a conseillé d’ouvrir la bouche en grand mais il est parfois difficile de le faire face à notre patron ou de nos clients…
Réponse :
Mises-à-part la timidité et la soumission à des convenances sociétales, seule la fierté et l’arrogance pourraient vous y empêcher. Quoi qu’il en soit, un moyen plus discret est de quitter les lieux pour éviter de surenchérir par l’affrontement direct.
Lorsque vous êtes en désaccord avec une situation ou si vous ne tolérez pas l’attitude d’une personne, mieux vaut éviter la confrontation en quittant tout simplement les lieux sans autre forme de procès !
SI nécessaire, il sera toujours possible de faire valoir ce que de droit ultérieurement, dans un climat plus propice à la communication authentique de votre point-de-vue.
Question 12 – Strophe 107 :
Strophe 107 :
Je me réjouis donc d’avoir un ennemi
Pareil à un trésor que l’on trouve chez soi
Sans faire le moindre effort,
Car il m’assiste dans la pratique de l’Éveil.
Question :
La situation mondiale actuelle pourrait-elle être considérée comme un moment idéal pour pratiquer la patience en raison des tendances opposées évidentes dans la gestion des différentes « crises » ?
Réponse :
C’est exact dans la mesure où le stress du monde actuel est un véritable défi pour certains et pourrait donc être considéré comme un stimulant pour leur pratique de la patience.
Toutefois, la vraie souffrance à surmonter par la patience est celle créée par les cinq émotions conflictuelles. Les formats qu'elles adoptent sont tous illusoires et peu susceptibles de faire une différence au moment où ils se produisent.
Néanmoins, l'évolution des mœurs entraîne aujourd'hui la tendance chez les jeunes à éclabousser leurs expériences émotionnelles sur les réseaux sociaux. Ceci est contre-productif au développement subtil de la patience dont le fondement est l'humilité.
Question 13 - Strophe 122 :
Strophe 122 :
Les Sages se délectent de leur bonheur
Et entrent en détresse à cause de leur blessure.
Et ainsi, en leur apportant de la joie, les Sages seront tous devenus ravis,
Et en leur faisant du mal, les Sages auront été blessés.
Question :
Ma première réaction est "Bouddha n'a pas besoin d'être content !". Je pense que plaire aux bouddhas est superflu car leur état est déjà au-dessus de ces niveaux qualitatifs ; se pourrait-il que cela soit censé avoir ce plaisir de se refléter sur nous-mêmes pour pouvoir nous élever à un état similaire ?
Réponse :
En effet, les bouddhas sont au-delà de la conceptualisation et ne peuvent pas être satisfaits ou mécontents à un niveau dualiste. Puisque l'enseignement de Bodhicaryâvatâra se rapporte à la vérité relative, plaire aux bouddhas n'est qu'une façon de parler et aborde notre relation intérieure à notre vraie nature.
Plaire aux bouddhas se fait en pratiquant la vertu qui est en harmonie avec notre vraie nature. Cela conduit à accumuler le mérite dont nous avons besoin, à avoir moins d'obstacles à mesure que nous travaillons à l'accumulation de sagesse. La sagesse s'accumulera essentiellement à travers la pratique de la méditation, à travers les bhumis de l'illumination.
Comprendre cela permet alors de définir notre conduite de manière à ne pas déplaire aux Bouddhas, ce qui se produit lorsque nous pratiquons la non-vertu et prenons le chemin qui mène aux souffrances du samsara.
Questions générales sur le chapitre six :
Questions 14 :
« La louange ne nourrit ni ne prolonge la vie ».
Cependant, dans les situations difficiles, recevoir des compliments procure un sentiment de chaleur et de sécurité. Nous savons aussi qu'il est bon de mettre en valeur les qualités des autres plutôt que de pratiquer la calomnie. Les louanges peuvent-elles alors être bénéfiques dans ces cas ?
Réponse:
Répondre à cette question nécessite de développer plus de précision dans la terminologie utilisée :
Je ferais une différence entre féliciter et complimenter.
La louange est toujours bénéfique mais n'est pas formulée directement à l'individu concerné. La louange est une action vertueuse dans la mesure où elle est clairement différenciée de la flatterie et, par conséquent, non faite directement à la personne concernée.
Il en est autrement de complimenter quelqu'un, ce qui est une action de communication, adressée directement à l'individu ou au groupe concerné. Cela peut être un mot gratifiant, un commentaire écrit ou un geste physique.
La motivation joue ici un rôle important. Il faut que le compliment soit fait pour valoriser quelqu'un qui a généralement une faible estime de soi et a besoin d'encouragement. On peut parfois observer que le compliment s’utilise indirectement pour se faire apprécier ; voire pour obtenir des faveurs.
Attention aux politiques relationnelles : les jeux égocentriques sont nombreux ! Parfois même, le compliment sert à niveler le sentiment de pitié engendré par celui qui le donne.
Ainsi, la raison de complimenter un individu ou un groupe doit être examinée attentivement pour éviter le danger de le transformer en flatterie et de créer une dépendance chez l'individu en renforçant l'attachement à des schémas habituels tels que l’addiction à la victimisation ou l'arrogance.
En tant que pratiquants du Dharma, nous devons bien sûr nous soutenir les uns les autres. Néanmoins, nous devons être clairs sur ce que cela signifie : le véritable soutien apporté à quelqu'un ne peut pas nuire à la capacité de la personne à abandonner les huit préoccupations mondaines.
Questions 15 :
Comment atteindre l'équilibre entre ne pas se fâcher contre ceux qui nous causent des souffrances et, la justice, l'équité et pour les empêcher de faire du mal à plus de gens ?
Réponse :
Il n'y a pas un tel équilibre à atteindre si ce n'est pour promouvoir une présence authentique et pratiquer les enseignements. Le Bodhicaryâvatâra est très clair sur le fait de ne pas s’irriter et surtout contre ceux qui nous infligent des souffrances.
En fait, personne d'autre que vous-même ne vous fait souffrir en fin de compte. D'autres êtres impliqués dans une telle « réalité onirique créant de la souffrance » sont les êtres qui vous aident à résoudre le karma négatif en suspens.
Ils ne font que représenter les conditions pour que cette résolution karmique ait lieu ici et maintenant. Vous devez donc leur en être reconnaissant.
Questions 16 :
Même si ceux qui causent des souffrances aux êtres ne sont pas fautifs au sens ultime du terme, ils sont responsables de leurs actes dans le monde conventionnel, comment devraient-ils être traités par la société ?
Réponse :
À moins que l'on ne vous demande de superviser le traitement d'un tel résultat, je ne vois aucun intérêt à essayer de répondre autre chose que « avec équité ».
Regardez l'évolution de la façon dont la société traite ce sujet au cours des six dernières décennies, il me semble que la tentative d'affirmer les critères nécessaires pour provoquer une réponse décente est de plus en plus discutable.
La tendance initiale à instaurer un soi-disant monde démocratique universel doté de modes uniques de comportements sociétaux, financiers, politiques, juridiques et légaux, se transforme en une grandiose mascarade où la sagesse a depuis longtemps été remplacée par la cupidité du pouvoir matériel et de la hiérarchisation sociale.
Ce type de myopie apporte de grandes souffrances et n’incite pas vraiment à promouvoir les valeurs essentielles que sont le respect, l'amour et la compréhension entre les individus.
Question 17 :
Lama pourrait-il décrire la notion de Compétitivité (sa source, ses caractéristiques, son antidote) ?
Réponse :
La source de la compétitivité se trouve indubitablement dans les huit dharmas mondains qu’il faut abandonner si nous recherchons la sagesse et l’éveil.
Par attrait du gain, les acteurs de la vie mondaine au contraire n’ont cessé de s’ingénier à multiplier les caractéristiques de cette compétitivité par le biais de mettre en valeur, non ce qui rapproche les êtres mais bien au contraire, ce qui les individualise toujours plus. Qu’il s’agisse de la hiérarchie sociale, des compétences, des propriétés mobilières et immobilières, les biens de consommation, la mode vestimentaire, les coupes de cheveux, les piercings, les tatouages, bref la multitude de l’avoir qui divise les individus est une forme de compétitivité absurde reniant ce qui les unit : la noblesse de l’être.
Questions 18 :
« …quand on parle d'autres qui agissent à partir de leurs émotions conflictuelles produisant des circonstances qui engendrent la souffrance des autres et d'eux-mêmes.
Les enseignements semblent dire que face à des circonstances défavorables, nous devrions au mieux sourire et les supporter, ou au pire nous en détourner et mourir en souhaitant réessayer lors de la prochaine vie et ne rien faire face aux circonstances ». Suis-je à côté de la question ici ?
Réponse :
Je le crois en effet ! Le point ici est de travailler sur la cause de la souffrance comme enseigné par le Bouddha dans les Quatre Nobles Vérités. Les causes reposent sur nous, pas sur l'agent impliqué, lequel incarne les conditions pour que notre propre karma en suspens puisse se déployer. Il est conseillé de gérer toute situation similaire comme indiqué dans la réponse donnée précédemment aux questions 10 et 15.
Demandez-vous : "Y-a-t-il quelqu’un dans tout le trichiliocosme, qui m’aie désigné pour sauver l'univers ou pour donner conseils à ceux qui "se méconduisent" ?"
Tout ce qui arrive, se manifeste pour une raison. Si nous cherchons l’Éveil, nous devons apprendre à faire face à la réalité qui est la nôtre dans l’ainsité. Tout en faisant des souhaits positifs et en soutenant ceux que nous rencontrons s'ils nous y invitent, nous devons prendre soin de nous.
Nous sommes tous interdépendants, alors que nous pouvons nous changer, cela n'a aucun sens d'essayer de changer les autres.
Quelle que soit la valeur de l'enseignement qui pourrait être donné, il ne sera d'aucune utilité à ceux qui ne le réclament pas. Ce ne sera qu'une manifestation intempestive du précieux Dharma qui requiert la condition élémentaire d'humilité avant d'être transmis.
Question 19 :
Dans les chapitres précédents, nous avons appris la patience avec ceux qui nous font du tort.
À l'époque, j'avais un problème avec un entrepreneur que j'avais embauché. Le travail a été mal fait.
Lorsque j'ai signalé les problèmes au registraire des entrepreneurs, l’inspecteur l’a déclaré conforme aux normes minimales. Même si je n'étais pas d'accord, j'ai décidé de lâcher prise.
Cependant, depuis, l'étendue des dégâts ne cesse d'augmenter. Dois-je simplement laisser aller les choses ?
Réponse :
La situation décrite ici a fait l’objet de commentaires précédents. Toutefois, tout travail rémunéré impose une obligation de résultat. La malfaçon doit donc faire l’objet d’une nouvelle intervention.
La prochaine séance se tiendra le samedi 7 janvier 2023. Pratiquons un instant la quiétude mentale, avant de dédier le mérite de notre étude au bénéfice de tous

